Engramme
Centre d'exposition d'Amos, Amos, Québec
ENGRAMME est composée de trois bandes de tissu, recouvertes d'un mortier de structure, qui se déploient dans l'espace. Suspendues au plafond, elles longent le mur et se déroulent sur le sol telles des allées que le visiteur est appelé à emprunter, déchaussé. Dans chacune d'elles, une graphie imaginaire, symbole de toute forme de traces, a été gravée, cryptée dans un geste spontané et ancré dans l'instant présent. La couleur terreuse de l'amorce des bandes ainsi que les écritures s'estompent vers le mur jusqu'à la blancheur de la matière nue.
Les courtepointes ont été créées en sections, comme des tableaux, rassemblées pour devenir une trajectoire de 12 mètres de long.
La bande centrale de l’installation porte la marque d’une longue faille à travers laquelle on aperçoit des morceaux de tissu cousus les uns aux autres. Ils font écho à la tradition de la courtepointe ici revisitée de façon actuelle par le type d’agencement et le choix des formes. Ce parallèle rappelle la relativité du temps, des courants, les couches sédimentées de mémoire et d’histoires qui constituent cette identité somme toute fuyante à laquelle nous nous accrochons souvent.
Au sol, entrecoupant la bande centrale, et disposés en cercle, des milliers de petits moulages en plâtre en forme de stûpas, que les Tibétains nomment tsa tsa et qui servent parfois chez eux à contenir les cendres des défunts. Dans ENGRAMME, l’artiste s’est inspirée librement de cette tradition et y a scellé celles de textes, de lettres et de photos précieuses que des collaborateurs proches et anonymes ont accepté de brûler en guise de geste d’abandon, de détachement. Une partie de ces cendres a aussi été insérée, comme pigment, dans les interstices de l’écriture imaginaire qui recouvre les bandes-chemins.
Une vidéo projetée au mur nous donne à voir un moment de dépouillement par le feu : sous nos yeux, un de ces textes y devient lent et gracieux voile de fumée. Il s'agit, à travers ce rituel, de mourir à quelque chose. Un geste de dépouillement qui permet une transformation.
Sur les murs latéraux, des tableaux-relief et divers éléments visuels complètent l'installation. Tous illustrent notre réalité de passants en route vers nous-mêmes, en chemin vers notre nature originelle, libres de traces, libres d'engrammes…
Passage, triptyque, 180 cm x 425 cm x 12 cm
Adrienne LUCE, « Engramme de Nadia-Aït-Saïd au Musée de la Gaspésie », Le Mouton noir, Rimouski, février 2014, p. 11»
Vidéo de l’installation ENGRAMME (2 min), Centre d'Exposition d'Amos, Amos
Trame sonore: extrait de l’œuvre « The Astounding Eyes Of Rita » d’Anouar Brahem, EMC Records GmbH
Pour voir des photos de l'installation ainsi qu'une courte vidéo de l'installation présentée au Musée de la Gaspésie à Gaspé, Québec, du 16 novembre 2013 au 26 Janvier 2014.
Dans le cadre de l'exposition ENGRAMME, CONFÉRENCE avec Damien Brohon: À la rencontre de l'art contemplatif, à la Maison de la culture Mercier, à Montréal.
L’effet incantatoire de la répétition de motifs — des milliers de moulages, des dizaines de mètres de graphie et de courtepointe — et la trame sonore choisie (extrait de l’oeuvre The Astounding Eyes Of Rita d’Anouar Brahem) s’ajoutent au territoire ainsi créé pour inviter au recueillement. La mise en espace d’ENGRAMME est conçue de manière à envelopper le visiteur, à lui faire vivre une immersion sonore, visuelle et tactile en faisant partie intégrante de l’installation, à y entrer « comme on entre dans la mer, cette matrice qui apaise en agissant sur nous de l’intérieur. » *
Le mot engramme vient des mots grecs en (dans) et gramma (caractère, trait). En neurophysiologie, l’engramme est la trace biologique de la mémoire (trace ou artéfact mnémonique) dans le cerveau. En tant que titre de l’installation de Nadia Aït-Saïd, le mot fait référence aux empreintes diverses déposées en nous par la vie — désirs, peurs, conditionnements, etc. — et que nous considérons comme notre trame de fond. Ainsi, l’œuvre se fait incarnation du processus d’effacement progressif de ces engrammes, chemin invitant à entrevoir cette identité nue, vierge, fondamentale qui fascine l’artiste. Toutefois, bien sûr, chacun y trouvera son propre sentier, sa propre destination.
Pour voir des photos de l'installation présentée au Centre d'exposition d'Amos à Amos, Québec, du 13 février au 6 Avril 2014.